Inès avait fait en sorte d'éviter Noora depuis la dernière fois qu'elles se sont parlées. Et la seule fois où elles se sont croisées dans la cuisine, la Française a baissé les yeux et a fait en sorte de vite quitter la pièce. La brune lui avait fait peur, Inès n'était pas ce genre de fille, elle ne savait pas hausser le ton pour dire ce qu'elle pensait. Tout ce qu'elle avait réussi à faire durant son adolescence pour montrer qu'elle était en colère, c'était de se faire du mal. Elle s'était noyée aussi derrière les problèmes des autres, essayant d'oublier les siens. Mais jamais elle n'était rentrée en confrontation. Puis de toute façon, Inès le savait, Noora ferait qu'une seule bouchée d'elle. La brune lui avait montré plusieurs fois qu'elle avait un plus fort caractère qu'elle et qu'elle ne se laissait pas marcher dessus. Est-ce que Noora lui faisait peur ? Totalement !

Début d'après-midi, il y avait une brise chaude qui lui fit quitter son gilet. Le temps devenait de plus en plus chaud, elle ne portait maintenant plus que des légers hauts. Inès accueillait ces températures avec bonheur. La fausse blonde rentra dans l'écurie de propriétaire, matériel de pansage en main et se dirigea vers Diego pour le nettoyer. Il avait réussi à se salir ce matin en allant au pré, il avait plu toute la nuit et il y avait des flaques de boue dans son pré. Bien évidemment, il n'avait pas pu s'empêcher d'aller galoper dedans.

Elle le pansa soigneusement et quand il fut tout propre, elle partit vers la sellerie pour prendre son matériel. Elle passa devant le box d'Hermès et se permit de glisser un regard à l'intérieur pour voir si Greg était là. Mais elle ne l'avait pas recroisé aussi depuis un moment.

Inès se donnait parfois des défis à la con. Et là, c'était d'arriver à nouer une relation avec le maréchal-ferrant. Il lui avait semblé tellement distant la première fois qu'ils se sont parlés, mais après, il avait eu l'air plus ouvert. Elle voulait vraiment apprendre à le connaître et aussi comprendre ce qu'il se cachait derrière sa mine sombre. Est-ce qu'encore une fois elle voulait se cacher derrière quelqu'un d'autre ? Peut-être. Mais elle avait besoin d'être le soutien d'une personne pour oublier ce qui la tourmentait, même si maintenant ce n'était plus qu'une trame de fond.


Rêne longue, Inès laissait Diego se réveiller. Il faisait bon et elle avait investi la carrière pour cette séance. Elle avait préparé son exercice en plaçant un obstacle central et quatre autres autour, tous à cinquante centimètres de hauteur. Elle a laissé une ligne droite pour franchir l'obstacle central et les autres sont placés en biais. Elle a vu cet exercice sur une vidéo d'un cavalier de haut niveau et cela lui semblait bien pour se mettre très sérieusement au travail avec son bai. Elle n'avait juste pas mis les mêmes hauteurs que sur la vidéo.

Après presque une dizaine de minutes au pas, sur des courbes larges, elle mit Diego au trot, toujours sur des courbes les plus larges possibles. Elle sentit que son cheval venait sur une bonne attitude lentement, mais sûrement. Quand elle le sentit réveillé, elle raccourcit légèrement ses rênes et le dirige sur des courbes plus serrées. Inès continua sa détente en alternant les allures et vérifiant l'immobilité à plusieurs reprises sur des figures de manèges simples. Au trot, elle lança Diego sur un huit tout en faisant des transitions dans l'allure, vérifiant ainsi que le bai réponde à toutes ses demandes. Il était totalement prêt à travailler, dans une très bonne attitude. Une fois la détente terminé, elle emmena l'équidé sur les barres au sol qu'elle avait laissé sur un côté de la carrière au trot. Elle fit ensuite plusieurs tours de piste au galop pour être sûr qu'il soit totalement chaud.

Tout était bon, elle avait toutes les commandes en main, Diego demandait plus de travail et l'écoutait parfaitement.

Elle emmena Diego sur l'obstacle central. Elle ne travaillait pas sur la hauteur, mais voulait juste reprendre le travail en saut avec Diego. Il franchit généreusement l'obstacle mais n'était pas au milieu de la barre. Elle le remit sur la piste pour aller le reprendre une deuxième fois en corrigeant sa direction. Ils n'étaient pas arrivés parfaitement au centre. Cette fois-ci, ce fut mieux, Inès s'était plus concentrée sur ses mains et ce qu'elle indiquait à l'étalon et tout s'était déroulé comme elle le voulait. La troisième fois qu'elle franchit l'obstacle, elle l'emmena ensuite sur celui à sa gauche. Il franchit avec aisance le second et elle l'emmena sur le troisième qui était à l'opposé sur la largeur. Elle revient ensuite sur celui du milieu et continua sur le cinquième qui était maintenant à sa droite puis sur celui à l'opposé dans la largeur.

Elle recommença deux fois de plus cet enchaînement avant de rajouter la variante qu'elle avait vu. Une fois celui du milieu passé, elle continua tout droit, pris une courbe serrée pour revenir sur l'obstacle. Une fois franchit, elle continua sur une ligne droite pour prendre celui en face même s'il est en biais, repris l'obstacle central et recommença la même chose de l'autre côté.

Sur le premier enchaînement, elle faisait un huit avec les obstacles, alors que sur la variante, elle faisait une serpentine.

Diego en avait refusé un. Elle n'avait peut-être pas assez mis de jambes ou autre, mais elle recommença alors l'enchaînement. C'était plus compliqué avec les obstacles en biais, l'étalon n'avait pas l'air du tout habitué à ceci. Il a tapé deux barres et en a fait tomber une troisième.

Mais Inès voulait terminer la séance sur un bon point et elle reprit alors le premier enchaînement en huit, qu'il réussit parfaitement.

Elle finit par remettre au pas Diego et le laisser marcher tranquillement, il en avait fait assez pour aujourd'hui, et les traces de transpiration montraient qu'il s'était donné à fond pour sa cavalière. Elle fit un tour de la carrière au pas, rênes longues pour le laisser se reposer, mais sans un arrêt direct.

Inès finit par mettre pied à terre et ramena Diego à l'écurie. Elle lui fit une bonne séance de pansage, douche comprise. Il le méritait bien.


En rentrant dans la cuisine pour aller prendre un fruit, elle croisa enfin Greg. Il semblait fatigué, les traits tirés, il fixait son téléphone. Il avait l'air si mal que la Française ne pouvait rester bras croisée. Elle vint s'asseoir à côté de lui tout en mordant dans la pomme qu'elle venait de prendre. Quand il leva enfin les yeux vers elle, elle ne put s'empêcher de lui sourire.

« Comment ça va ?
— Bien. »

Il se replongea dans son téléphone et ne lui dit rien de plus. Comment ça, seulement bien ? Elle voyait bien que non, ça n'allait pas. Il ne pouvait pas juste lui répondre ça. Mais Inès ne baissait pas aussi facilement les bras.

« Est-ce que ça te tente qu'on aille faire une balade ensemble un de ces quatre ? » Inès tentait une autre approche. Greg releva la tête et lui adressa le second regard le plus noir qu'elle avait vu de sa vie, le premier étant celui de Noora.
« Non, je n'ai pas envie. Va casser les couilles à quelqu'un d'autre, je n'ai pas envie de te parler. »

Inès recula sous la violence de ses paroles. Elle n'était pas habituée à être rejetée ainsi, mais visiblement, c'était de famille chez eux. Puis, elle n'aimait pas ça. Elle avait l'impression d'être inutile.

« Tu n'es pas obligé d'être méchant.
— Ce n'est pas parce que je t'ai parlé une fois que je suis ton pote ou je ne sais quoi. Maintenant, tu peux partir et me laisser tranquille.
— Vous êtes en fait tout les deux aussi con l'un que l'autre, ta sœur et toi. »

Inès se releva et sortit de la cuisine. S'ils avaient un souci avec les autres, ce n'était pas une raison pour être aussi mauvais. La fausse blonde ravala ses larmes. Elle était froissée, et blessée. Autant Noora, ça l'avait touché, mais sans plus, mais bizarrement, Greg ça lui faisait presque du mal. Elle ne voulait plus jamais avoir à faire avec ces deux-là. Tant pis pour eux. La seule personne de cette académie qui se voulait bienveillant avec eux, ils la renvoyait chier. Elle n'allait concrètement pas se faire un ulcère.

Mais une partie d'elle voulait vraiment connaître Greg et comprendre. Mais elle ne voulait surtout pas s'y brûler les ailes.

pour expliquer l'enchainement:

176 lignes; diego

Pando