Greg regardait les informations sur le téléphone de Noora alors qu'ils étaient tout deux en train de prendre leur repas. La situation n'était pas au top, plusieurs pays étaient confinés, en Suisse, les écoles et les universités étaient fermées et en plus, certains établissements publics. Au Canada, ce n'était pas mieux. Les deux jeunes gens décidèrent alors d'appeler leurs parents. Il était sept heures environ à Calgary, seule leur mère serait réveillée. Ils s'installèrent pour apparaître tous les deux sur l'écran du téléphone. Quelques secondes après, le visage fatigué de leur mère apparut.

« Comment ça va vous ? »

Depuis le début de l'épidémie, ils s'étaient déjà appelés plusieurs fois. Greg avait réussi à reprendre contact avec sa mère et aussi avec Sylvia, qui était maintenant âgée de dix-neuf ans. Mais pour Bea, qui a seulement quinze ans, cela s'annonçait bien plus compliqué. Leur mère leur a expliqué que depuis la fermeture de son lycée, elle ne sortait pas de sa chambre, sauf pour manger et encore, elle prenait son repas très rapidement. La plus jeune s'était mise à fumer, et même qu'elle prenait de la drogue, leur mère avait trouvé de la beuh dans sa chambre. Ça avait foutu Greg très mal parce qu'il avait l'impression que la plus jeune était sur ses traces. Sylvia, elle se débrouillait comme elle le pouvait. Avant l'épidémie, elle avait trouvé un job étudiant dans une petite librairie et avait réussi à mettre pas mal d'argent de côté et aussi avait commencé à rembourser le prêt étudiant.

Mais, ça restait compliqué pour Greg de communiquer avec sa famille. Il ne les avait pas vu depuis tellement longtemps, en plus, il ne pourrait pas revenir encore avant un petit moment. Noora n'avait pas non plus réussi à parler avec Bea. Elle lui avait envoyé plusieurs messages, mais elle n'avait jamais répondu. Sauf que pour le moment, elle ne pouvait pas s'inquiéter plus que ça. Noora avait d'autre problème à régler, déjà en vers elle-même.

Ses crises d'angoisse n'étaient pas passées, même si elles étaient moins violentes, moins fréquentes. Elle faisait surtout taire sa peur la plupart du temps. Elle n'arrivait plus à monter aussi souvent qu'avant, et elle privilégier d'avantage le travail à pied, ou alors, elle faisait juste des promenades au pas.

Ils parlèrent une vingtaine de minutes avec leur mère, apprenant ainsi que le petit-ami de Sylvia avait le coronavirus et qu'elle était très inquiète même s'il n'arrêtait pas de lui dire que ça allait, qu'il était juste très fatigué.

La situation à l'académie n'était pas au beau fixe. Beaucoup étaient retournés chez eux, ils étaient en sous-effectif de personnel. Greg devait faire encore plus de travail puisqu'il y avait moins de maréchal. Il avait entendu dire que c'était pareil pour les palefreniers, même si beaucoup de cavaliers sont partis avec leurs chevaux. En tout cas, le brun avait moins de temps pour lui, et cet appel lui avait bien remonté le moral. Il n'avait même plus le temps de s'occuper chaque jour d'Hermès comme il en avait pris l'habitude. C'était Noora qui le sortait maintenant tous les matins pour le travailler un peu, et du coup, la jument crème l'aprèm. En fonction de ce qu'elle avait travaillé avec l'un, et de son niveau de fatigue, elle devait changer le programme de l'autre. Elle aussi, n'avait plus autant de temps libre, mais elle essayait d'en garder un peu pour son frère. Elle avait énormément besoin de Greg, il la soutenait.

Ils raccrochèrent et chacun retourna à son travail. Noora partit en direction des écuries de propriétaire, elle allait faire une séance de longe avec Cream Cleopatra puisqu'elle avait sorti ce matin Hermès sur les chemins de randonnées, elle ne se voyait pas remonter en selle une deuxième fois. Mais c'était un mal pour un bien, elle apprenait vraiment de nouvelles choses en travaillant ainsi avec ses chevaux.

Quand à Greg, il retourna au centre de soin. Là-bas, il rejoignit Anton qui avait les sourcils froncés en regardant un lusitanien alezan.

« Ah, tu tombes bien Greg. J'ai cette jument qui a un abcès, j'vais te montrer comment le soigner. Va nous chercher tout le matériel. »

Greg alla chercher ce que son mentor venait de lui demander et écouta alors tout ce que lui expliquait le maréchal. Comment reconnaître un cheval qui a un abcès ? Si un cheval se met à boiter d'un coup ou qu'il refuse de poser le pied au sol. Anton lui fit prendre le pouls au niveau du boulet, qui effectivement était plus rapide et le pied est plus chaud que les autres. L'homme souleva le pied pour lui montrer l'endroit ou a lieu l'infection. Greg déferra ensuite la jument pour mieux localiser la zone infectée. Il lui demanda la pince à sonder, première fois que Greg utilisait cet appareil et lui expliqua tout ce qu'il avait besoin de savoir.

« Il faut que tu fasses une ouverture pour qu'on enlève le pus. Pas trop grande. »

Sous les conseils d'Anton, il fit l'ouverture. Il lui montra la suite et Greg mis un cataplasme à Kaomina et un pansement. Le maréchal expliqua ensuite au palefrenier qui avait découvert la boiterie de la jument ce qu'il fallait faire, le nombre de fois où il fallait changer le pansement si jamais Greg n'était pas disponible. Bien évidemment, il chargea le Canadien d'aller voir régulièrement Kaomina pour procéder aux soins et ainsi voir l'évolution de l'abcès.

« Ce n'est pas le plus compliqué à faire, soigner un abcès, mais il faut être précis pour le drainer. Kaomina doit rester au repos, jusqu'à ce que la boiterie disparaisse complètement. Une fois guérit, il faudra la referrer. »

Anton mit une tape dans le dos de son apprenti puis tourna les talons pour retourner dans son bureau. Greg ramena alors Kaomina dans son box avec le palefrenier. La jument était partie pour environ une huitaine de jours au repos et il devrait venir la voir tous les jours pour s'assurer que son traitement est bien suivi.


Une semaine et demi était maintenant passée, et Kaomina ne boitait plus du tout. Il devait alors la referrer et Anton lui avait chargé de le faire seul. Le maréchal étant occupé sur un autre cas, il ne pourrait même pas l'assister. C'était une certaine pression pour le brun, mais il fallait bien qu'il montre qu'il était capable de se débrouiller tout seul maintenant. Kaomina était attachée dans le centre de soin, pied totalement nettoyé. Greg regardait le fer qui lui convenait le mieux. Il avait plusieurs fois mis des fers, puisque c'était ce qu'il faisait le plus au sein de l'académie. Alors, sans jamais douter de lui, il fit tout ce qu'il avait appris avec Anton, comment bien placer les clous, voir si le fer était bien mis. Il s'en était sorti bien mieux que ce qu'il pensait. Kaomina était maintenant en pleine forme et prête avec des fers tout neuf à reprendre le travail.

Il était midi passé et le brun envoya un message à sa sœur pour savoir si elle avait mangé. Il reçut une réponse négative et il lui demanda de le rejoindre dans la cuisine pour qu'il puisse avoir une moins une demi-heure tous les deux. Quand il la rejoignit, il découvrit une Noora qui avait n'avait vraiment pas l'air bien, les yeux gonflés comme si elle venait de pleurer.

« Qu'est-ce qu'il se passe ? »

Il posa une main sur son épaule et Noora se mit à pleurer à chaudes larmes. Il avait vu sa sœur en crise d'angoisse, il l'avait vu en crise de nerf, et aussi en train de rire aux éclats. Mais la voir aussi abattue, c'était une grande première.

Noora se jeta dans les bras de son frère, ce qui était une grande première. Elle s'agrippa à son sweat et continuer de pleurer. Après dix minutes, elle réussit à se calmer.

« Il faut que tu m'expliques, là. Tu me fais peur, Noora.
— Papa est mort. »

Et Greg s'attendait à tout sauf à ça. Il se laissa tomber sur la chaise à côté de la brune, ne sachant pas vraiment comment réagir. Depuis quand n'avait-il pas revu son père ? Depuis quand ne lui avait-il pas parlé même ? Il n'avait pas eu de nouvelles de lui directement depuis son arrestation. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il avait trompé sa mère, qu'il avait une deuxième famille qu'il cachait depuis quelques années maintenant et qu'ils avaient fini par divorcer.

Noora était dans un état bien pire. Elle avait coupé les ponts avec cet homme quand il avait demandé le divorce pour vivre avec sa deuxième famille. Le peu de fois où il avait essayé de reprendre contact, elle l'avait insulté de tous les noms et l'avait pourri comme jamais elle n'avait pourri quelqu'un. Et aujourd'hui, il était mort, et ils n'ont pas pu se reparler, pas pu s'expliquer. Et au vu des conditions actuelles, est-ce qu'ils auraient le droit d'aller à son enterrement ?

Noora était au plus bas, et Greg venait de retomber de son nuage.

186 lignes; kaomina

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