La journée commençait sur les chapeaux de roues pour Aaron. L'un des palefreniers avait du partir pour raison familiale, et son emploi du temps s'en était retrouvé plus chargé pour combler les trous. Il devait faire une nouvelle matinée de nourrissage alors que c'était normalement le seul jour où il pouvait se lever légèrement plus tard. Mais il le vivait plutôt bien.

De toute façon, Aaron faisait parti de ces gens que pas grande chose ne pourrait contrarier. Il était un bon vivant. Il verrait au moins le lever du soleil et profiterait du calme régnant dans les écuries avant que les cavaliers ne se réveillent et se mettent à courir partout comme dans une fourmilière. Même si, d'après ce qu'il se dit entre les plus anciens de l'académie, il y a deux fois moins de personnes qu'à une époque. Tant mieux pour eux alors, ils n'allaient pas s'en plaindre, même si forcément, une écurie qui recueille plus de monde est une écurie où tout, ou presque, se passe bien.

C'est en chantonnant une musique de Bruno Mars qu'il commence à distribuer les différentes rations aux chevaux de stalles. Alors qu'il pensait être seul avec son collègue qui s'occupe de nettoyer les stalles, en passant devant le box de Troubadour, il se retrouve nez à nez avec Greg.

« Alors ? On est un lève tôt ? »

Le maréchal se retourna lentement vers lui, le fusillant du regard. Il n'avait toujours pas l'air de vouloir lui adresser la parole. Mais bon, Aaron avait cette capacité à pouvoir faire la conversation pour deux.

« J'ai vu que tu travaillais avec Inès de temps en temps. Ça se passe bien ?
— Pourquoi ça se passerait mal ?
— Peut-être parce qu'elle est vachement plus sociable que toi ? »

Il l'entendit grogner, mais ne sut dire s'il avait essayé de lui dire quelque chose puisqu'il avait maintenant le dos tourné, occupé à curer les antérieurs de l'équidé. Aaron en profita alors pour déposer la ration à l'emplacement prévu et lui offrit une petite gratouille.

« En même temps, je crois que même les gens froid comme toi aiment traîner avec des filles bonne comme elle. »

Est-ce qu'il avait rêvé ? Aaron était persuadé d'avoir vu Greg tressaillir à ses mots et le voilà maintenant figé, sa main suspendue dans l'air au dessus du sabot.

« On va pas se mentir, entre couilles on peut tout se dire. Elle a un sacré charme quand même.
— Je ne suis pas ta couille.
— Ça pourrait le devenir. »

Et sur ces mots, l'américain retourna à son travail, continuant ce qu'il faisait de la manière la plus naturelle du monde. Comme si cette conversation n'avait jamais existé.

Greg ne savait vraiment pas comment il faisait pour être aussi sûr de lui et en même temps si détaché de tout ce qu'il se passe autour. Ce mec se fout totalement de ce qu'on pense de lui, comme s'il était persuadé que de toute façon personne ne pouvait le détester. Ce qui n'était évidemment pas le cas, Matteo est le premier à vouloir lui foutre son poing dans la figure. Mais est-ce que le palefrenier est un bon exemple ? De ce qu'il sait, Greg est le seul qu'il arrive vraiment à supporter, avec Sid.

Le canadien sortit Troubadour de son box et se dirigea vers un rond de longe. Plus le temps passait et plus il se rendait compte qu'il s'attachait au gris. Il n'avait pas du tout hâte que son suivi se termine. Si au début ça avait été compliqué avec l'équidé, maintenant, ils se connaissaient l'un l'autre et ça coulait presque de source.

Greg installa des barres au sol dans une moitié du rond de longe, assez espacées les unes des autres. Le travail du jour consistait tout simplement à un enchaînements aux trois allures, au deux mains, en passant au dessus des barres au sol. Rien que Troubadour ne savait pas faire, mais cela fait parti de son travail de suivi.

Ils commencèrent lentement, des tours au pas, Greg suivant l'équidé tout autour du rond de longe, changeant au bout de quelques minutes la direction. Puis il vint se placer au centre et continua de le guider à une allure supérieure. Troubadour était très en forme aujourd'hui et cela se ressentait dans sa manière de travailler.

Greg n'eut aucun mal à lui faire faire ce qu'il voulait. Et c'était super agréable. Greg mit alors le gris sur le cercle où sont placés les barres. Il en buta une de son antérieur, surpris, mais continua la suite correctement. C'était une ligne toute simple, composé de six barres qu'il avait prévu de monter légèrement pour l'obliger à lever encore plus ses jambes.

Le maréchal regardait si il restait une trace de la boiterie, mais ce n'était dorénavant qu'un mauvais souvenir. Bientôt, Troubadour pourrait de nouveau être monté et retrouver le travail dont il avait l'habitude avant. Il espérait que l'incident du mauvais fer ne se reproduirai plus, et il aimerait au fond de lui savoir lequel de ses collègues avait mal fait le job. Mais il doutait fortement qu'on ne lui donne un jour l'information. Espérons que Niklas, le vétérinaire, lui, soit au courant et qu'il ait touché deux mots à la personne. Vu son caractère aimable comme une porte de prison, il savait que cette personne allait se prendre un savon.


Le canadien était dans le bureau du maréchal en chef, en train d'écrire le bilan de sa séance avec Troubadour, ce qu'il avait remarqué de positif ou négatif, l'avancement de sa convalescence. Il devait être précis pour être sûr que le suivi puisse se faire entre tous les personnels de l'académie.

« Ah tiens, Greg. Je voulais te voir justement.
— Oui ? »

Il espérait qu'il n'avait rien fait de travers, mais à voir l'expression de son tuteur, ce n'était pas le cas. Greg aimait cet homme, bien plus qu'il n'avait aimé son père. Il lui avait appris bien plus depuis qu'il était maréchal que son paternel ne lui avait enseigné durant toute sa vie. Et pour rien au monde, il aimerait le décevoir.

Il avait eu peur quand Noora l'avait menacé de renoncer d'être sa tutrice, et Anton avait été le seul à lui promettre de trouver une solution si sa soeur se décidait enfin. Il serait mort de déprime s'il avait du retourner en prison. Ce n'était pas pour lui là-bas.

« Tu vas bientôt avoir ton examen de fin de deuxième année. Tu vas devoir te préparer. J'ai cherché dans mes dossiers tout ce qui pourrait t'être donné et je vais te demander de tout lire de manière sérieuse.
— Déjà ?
— Et oui, le temps passe vite. Mais j'ai hâte que tu deviennes un maréchal. Tu as du potentiel. Ou tu en es avec Troubadour ? »

Alors que Anton s'asseyait dans son fauteuil, Greg lui expliqua alors tout ce qu'il avait fait avec le gris ces derniers temps. Oui, Anton était devenu un véritable père adoptif pour lui.


Greg rentra dans sa chambre, une pochette dans la main, remplie de toutes les prises de notes d'Anton, de définition et tout ce qui pourrait lui être utile pour son examen. Mais alors qu'il pensait pouvoir être tranquille pour réviser, il découvrit Noora, assise sur son lit, le visage entre les mains et secouée de sanglots.

« Merde. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »

Le brun ne pouvait s'empêcher de penser au pire tout de suite. Si quelqu'un avait osé ne toucher ne serait-ce que un cheveux de sa soeur, il comptait lui démonter sa gueule. Le rôle de frère aîné qui revenait à la charge.

Pendant plusieurs minutes, Noora ne parla pas, ce qui ne faisait que augmenter l'anxiété du canadien. Elle continuait de pleurer, la plupart du temps en silence. Et il ne pouvait rien faire à part la serrer dans ses bras. C'était rare de la voir comme ça, bien que ces derniers temps, il la voyait plus souvent mal.

« Papa est mort... »

Comme l'impression de revivre cette scène du semestre précédent. Elle ne s'en était toujours pas remise, et faisait alors semblant de se foutre de tout. Elle visiblement, elle était passée par la face du déni pendant bien plus longtemps que lui.

« Je... Je m'en veux de ne pas avoir tenté de le recontacter. Mais je lui en veux encore plus de ne pas avoir donné de nouvelles.
— C'était qu'un gros connard, ne te mets pas dans cet état pour lui.
— Je sais... »

Elle continua de pleurer encore et toujours. Et il était totalement impuissant face à toutes ces émotions. Il attrapa un paquet de mouchoir et le lui tendit. Voir Noora les yeux tout bouffis, son mascara laissant de vieilles traces sur ses joues, ce n'était pas quelque chose dont il avait l'habitude de voir. Elle d'habitude si froide et si forte.

« Je crois que j'ai envie de boire quelque chose.
— J'ai une bouteille de whisky quelque part par là. »

Ils savaient tout deux que c'était loin d'être la meilleure solution, mais ils en avaient besoin. Greg attrapa la bouteille dans son armoire, qu'il cachait derrière une pile de sweat et en mit une petite dose dans un gobelet. Il ne voulait pas non plus que la brune ressorte totalement ivre morte.

Pendant une quinzaine de minutes, ils burent ensemble en silence. Malgré toutes les engueulades, il savait qu'il ne pouvait plus vivre loin d'elle maintenant. Elle l'avait sauvé, et toute sa vie, il lui serait redevable.

« Je suis désolée d'être aussi exécrable... Je sais que tu travailles magnifiquement bien avec Hermès, et j'espère que tu pourras continuer.
— C'est rien. On est pas très doué pour communiquer tous les deux. Elle échappa un petit rire.
— C'est plus facile d'hurler à l'autre qu'il a tord... Mais ces derniers temps, j'étais en colère contre tout le monde. Et tu as pris le plus. »

Non, c'était Inès qui prenait quasiment tout dans la gueule, mais il ne voulait pas gâcher ce moment alors qu'ils arrivaient enfin à crever l'abcès.

« Tu veux m'aider à réviser ?
— Avec plaisir. »

202 lignes Box de Troubadour; Utilisation d'un résu x2. Merci !