Inès était stressée. Elle avait pris la décision de partir durant deux semaines de l'académie et de rentrer en France, suite aux supplications de sa mère pour qu'elle participe aux choix de la robe de mariée. Elle devait partir dans deux jours et elle culpabilisait à l'idée de laisser Diego seul et surtout de rajouter une charge au personnel du Haras alors qu'ils avaient déjà énormément de travail avec le coronavirus et tous les départs qu'il y avait eu. Mais ce n'était que deux semaines non ?

Inès prenait son café dans le salon, posée sur un fauteuil disponible, tout en étant sur les réseaux sociaux, guettant un peu la vie des gens qu'elle connaissait. Ainsi, elle découvrit qu'une de ses amies française venait de se mettre en couple avec un jeune homme qu'elle ne connaissait que de vue, qu'un autre avait la covid, il venait de poster une story où il semblait très fatigué. Cette situation devenait très pénible pour tout le monde et surtout lourde. Les voyages étaient restreints et beaucoup de personnes ne pouvaient donc pas rejoindre leurs familles comme ils le voudraient. Elle-même devait d'abord montrer patte blanche et fournir un test PCR négatif d'au moins 72 heures.

Mais pour le moment, elle devait s'occuper de Diego. Après avoir lavé sa tasse, elle sortit du bâtiment pour rejoindre les écuries de propriétaire. Elle était contente de son travail avec l'étalon, ils commençaient tout deux à avoir une très bonne relation et elle appréciait évoluer avec lui.

Alors qu'elle rentrait dans la sellerie pour récupérer dans son casier ses affaires de pansage, elle tomba sur un jeune homme en train de graisser les cuirs. Elle le salua timidement. Mais quand elle se retourna de nouveau vers lui avec son sac de pansage, il la regardait avec un grand sourire. Inès se sentit rougir, elle savait quand même reconnaître quand un mec la regardait, et là, elle voyait bien le regard du jeune homme se promenait sur son corps. Elle baissa les yeux gênée avant de tourner les talons pour sortir, mais le brun en avait décidé autrement.

« Excuses-moi. Je peux te déranger quelques secondes ? »

Inès le regarda. Il avait bien l'air sûr de lui avec ses cheveux longs, lui tombant légèrement sur le visage, et des yeux aux reflets verts pétillants. Il posa le chiffon qu'il avait dans la main et s'avança vers la française. Elle devait bien avouer qu'elle le trouvait plutôt attirant. Pas comme Greg, de toute façon, Inès avait toujours eu un penchant pour les garçons aux airs sombres et torturés, mais lui, il avait un certain charme.

« Aaron, enchanté.
— Inès.
— Ça te dirait qu'on aille boire un café tous les deux ?
— Oh euh... » Inès baissa les yeux et joua avec ses doigts, choses qu'elle faisait souvent lorsqu'elle était stressé. « Là, j'ai prévu de sortir mon cheval. Je suis désolée.
— Après alors ? On se dit à 14 heures dans le salon ?
— Oh euh... Oui. Oui. Avec plaisir.
— Alors à tout à l'heure. »

Et il retourna à son filet qu'il était en train de nettoyer tout en souriant à la fausse blonde. Elle finit après quelques secondes sans bouger à sortir de la sellerie pour aller jusqu'au box de Diego.

Elle venait vraiment d'accepter un rencard ? Non, parce que c'en était clairement un ? Sauf si elle se trompait. Est-ce qu'elle se faisait des idées ?

Inès entreprit alors de faire un bon pansage à son étalon, essayant de se faire pardonner d’avance de devoir partir dans les prochains jours et de ne pas pouvoir l’emmener. Mais maintenant qu’il était habitué à ses nouveaux locaux, ce serait stupide de sa part de l’emmener et de le rendre angoissé en changeant de lieu, même très égoïste. Une fois le pansage terminé, Diego maintenant propre comme un sous neuf, elle s'attela à lui mettre un tapis, un amortisseur, et tout ce qu'il fallait pour un bon entraînement en saut. Elle entraîna ensuite le bai à sa suite direction une carrière de disponible. Le temps n'était pas si mauvais que ça, ce jour-là. Le soleil pointait parfois le bout de son nez entre les nuages, mais il ne faisait pas si froid que cela. La fausse blonde était emmitouflée dans une polaire légère, mais qui faisait son travail. Les alentours étaient calmes et c'était mieux ainsi. Diego serait mieux concentré.

Arrivée dans la carrière, elle commença par installer le dispositif qu'elle voulait faire avec son étalon. Le jeune cheval attendait patiemment au côté de sa cavalière pendant qu'elle mettait une croix, une barre droite, une nouvelle croix, tout ça sur une ligne. C'était tout simple, elle avait cherchait sur internet des idées d'exercices de saut avec peu de matériel. Le principe était simple. D'abord faire l'enchaînement sur une ligne droite, puis faire demi-tour celui du milieu pour venir sur le premier en biais, le troisième en biais, puis de revenir sur le premier pour enchaîné avec un contre changement de main pour aller sur le dernier.

Spoiler:

Après un tour de carrière avec Diego en main, elle s'aida d'un marche-pied qui traînait dans le coin pour enfin mettre pied en selle et commencer une petite détente. Le but sur la ligne n'était pas de sauter haut, mais de sauter bien, et elle voulait être sûre de savoir bien diriger son cheval sur les différents obstacles avant de pouvoir commencer des compétitions. Elle ne pouvait pas s'engager sans savoir ce que cela donner et voulait être au top.

Diego semblait assez apaisé, et la détente se passa relativement bien. Il écoutait la moindre des demandes de sa cavalière et réagissait rapidement. Elle était heureuse de le voir aussi à l'écoute et sentait que cette séance allait bien se passer. Rien ne pouvait vraiment l'arrêter de toute façon. Une dernière boucle au galop et elle commença à le diriger sur la ligne.

Bien droits, ils passèrent la première croix sans encombre, puis le reste du dispositif. Diego sautait plus haut que la véritable hauteur des obstacles, ce qui motivait Inès à se concentrer que sur sa direction et trajectoire. Elle appréciait particulièrement quand son cheval se donnait à fond ainsi dans son travail et qu’elle n’avait pas besoin de le reprendre à chaque fois, car il se retrouvait distrait par n’importe quoi qui se passait dans son champ de vision.

Diego était calme, concentré, dans une très bonne allure, répondant rapidement aux demandes de sa cavalière. Elle le dirigea sur le prochain obstacle, prenant ensuite la direction du suivant. Ça faisait bien longtemps maintenant qu’une séance ne s’était pas aussi bien déroulée depuis le tout début.

Ils venaient de finir le dispositif et Inès le laissa rênes longues, le récompensant en lui caressant l’encolure. Il avait été parfait jusque-là, et c’était maintenant le moment de le faire à l’autre main. Si le passage des trois premiers sur la ligne droite se passa sans encombre, ce fut plus compliqué ensuite. Diego était plus nerveux en main droite, et Inès le ressentait particulièrement à ce moment-là. Elle devait se montrer plus ferme dans ses mains, mais aussi ses jambes pour être sûre de ne pas le laisser prendre le contrôle. Il passa le droit précipitamment, tenta d’accélérer et tout le calme dont faisait preuve son cheval et dont la française était si fière quelques minutes avant s’était envolé.

Inès décida alors de lancer l’étalon sur un cercle au galop, diminuant de plus en plus l’allure pour le mettre sur un trot de travail, cadencé, mais surtout, essayer de retrouver l’état d’esprit dont il avait fait preuve quelques minutes avant. C’était dommage de terminer la séance sur une mauvaise note, alors que tout se passait si bien au début. Il faudrait qu’elle voit peut-être un ostéopathe pour voir s’il n’y avait pas un souci pour qu’il devienne tout de suite plus nerveux à main droite. Ou peut-être qu’un éthologue pourrait l’aider. Même si sa tante lui avait dit de ne pas s’inquiéter, Inès voulait être sûre que cela ne cachait pas une blessure ou quelque chose.

La française voyait bien que de toute façon elle ne retrouverait pas le calme dont il avait fait preuve au début de la séance et que maintenant, elle devait juste terminer son travail sur une note positive. Elle le dirigea sur le dispositif à main droite, franchissant les trois obstacles à la suite en ligne droite. Ce n’était pas grave pour la suite de l’enchaînement, elle réessaiera une autre fois. Diego était encore un jeune cheval et il avait beaucoup à apprendre, comme la patience.

Sur cette maigre victoire, Inès décida d’arrêter la séance là. Diego s’était bien donné malgré tout, et même si la fin n’était pas au niveau du début, elle ne voulait pas en demander trop et le braquer. Elle mit pied à terre et le ramena à son box pour le desseller et lui offrir un bon pansage. Suite à cela, elle se dirigea vers sa chambre pour se changer rapidement et enfin pouvoir aller manger.


Inès ne savait pas pourquoi elle avait dit oui à Aaron. Elle avait toujours aimé plaire, ça, c’est certain, mais de là à répondre directement oui pour un rencard à un inconnu ? Ça ne lui ressemblait pas du tout. Peut-être qu’elle était en train de changer ? Encore ?

Déjà, elle avait vu la différence entre avant sa vie à l’académie et maintenant. La blonde n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, elle avait son caractère à elle malgré toutes ses faiblesses. Mais depuis qu’elle avait rencontré Noora, c’était une toute autre histoire. Noora lui avait donné une tonne de complexe, déjà qu’elle en avait pas mal. Mais cette brune dégageait une aura puissante et elle avait cette élégance innée. Noora marchait toujours tête droite, dos droit, toujours bien habillée et préparée jusqu’au bout des ongles. Elle s’était renseignée sur elle, et elle savait qu’elle avait été mannequin avant de venir à Full Horse. Bien évidemment, elle avait ensuite tapé son nom sur google, mais n’avait par contre rien trouvé concernant sa famille et surtout Greg.

Pour le rencard, Inès avait fait un effort. Elle s’était maquillée, chose qu’elle ne faisait plus depuis qu’ils devaient porter un masque à cause de la pandémie mondiale, et elle avait mis une chemise noire, imprimée à fleurs avec un jean noir. Tout ce qu’il y a de plus basique, mais en tentant d’être élégante comme elle le pouvait. Si avant elle ne doutait pas d’elle, sa rencontre avec l’ancienne mannequin au regard de glace lui avait fait perdre toute sa confiance en elle.

La française arriva avec quelques minutes d’avance dans le salon, profitant de ces quelques minutes de paix pour échanger quelques messages avec ses amis restés en France. Tout cela lui manquait. Mais elle devait rester ici maintenant qu’elle s’était engagée sur cette nouvelle aventure. Elle ne pouvait pas abandonner en si bon chemin. Surtout avec tous les progrès qu’elle a fait avec Diego.

Quelqu’un se racla la gorge sur sa droite, et elle se retourna, découvrant le jeune homme qui l’avait accosté le matin même, les cheveux plutôt longs pour un garçon. Ils étaient cachés sous une casquette, mais Inès voyait quand même les cheveux tombés sur sa nuque. Aaron n’était pas spécialement son type de mec, mais il avait son charme avec ses yeux verts aux touches marron, bien qu’elle ne pouvait voir tout son visage à cause du masque qu’ils sont obligés de porter dans les lieux publics, le salon étant l’un d’eux puisque tous les élèves et personnels du haras venaient forcément une fois de temps en temps dans cette pièce du pavillon.

« Ça te dit, on va marcher un peu ? Lui demanda le jeune homme en lui indiquant l’extérieur.
— Avec plaisir. »

Elle se leva du fauteuil et le suivit sur les jardins de l’académie. Directement en passant la porte, Aaron enleva son masque, respirant à plein poumon.

« Désolé, je ne supporte pas vraiment ce truc.
— Je comprends. »

Elle en fit de même avec le sien. C’est vrai que ce n’était pas la chose la plus agréable du monde, et bien qu'avant le changement de pays, ils se soient retrouvés à passer un temps en quarantaine pour être sûr de ne pas avoir le virus et qu’ils ne peuvent avoir de contact réel avec l’extérieur, ils devaient quand même le porter pour le bien de la communauté.

« Tu es d’où ? Tu as un sacré accent !
— Je suis française.
— Oh mais c’est pour ça ! Vous les français, vous avez un accent anglais totalement merdique. »

Le brun se mit à rire. Inès ne savait pas vraiment comment elle devait le prendre. Elle s’était quand même sacrément amélioré dans sa prononciation depuis qu’elle était à Full Horse et que la majorité des personnes ici parlent anglais. Mais visiblement, les autres remarquaient toujours que ce n’était pas sa langue natale.

« Je sais parlé français un pou. Croissant ! Baguette ! »

Inès regarda Aaron un instant avant d’exploser de rire. C’était totalement ridicule.

« Pourquoi à chaque fois que quelqu’un tente de parler français, il dit toujours croissant et baguette ?
— Parce que c’est typique de votre pays. Comme le béret.
— Je te donnerai des cours de prononciation, ça ne va pas du tout là.
— Avec plaisir ! »

Même si la blonde ne le connaissait pas, elle se sentit rapidement à l’aise avec lui. Il était souriant, avenant et la mettait en confiance. Il avait le regard rieur et malicieux, comme s’il réfléchissait constamment à la connerie qu’il pouvait faire à cet instant T.

« On ne dit pas croiSSant, mais cRoissant. Il faut que tu mettes l’accent sur le r et non sur le s.
— Croissant... Croissant. Croissant ?
— Toujours pas, dit la jeune femme en souriant.
— Croissant, fit Aaron en articulant de manière très exagérée.
— Quand tu prononces le r, c’est comme si tu te raclais la gorge. »

L’américain tenta plusieurs fois, mais ce n’était pas concluant. Il n’avait jamais appris à prononcer cette lettre de cette manière là, et c’était trop difficile. Peut-être qu’avec le temps, il y arriverait. C'est là qu'Inès se rendit compte d'une seule chose, elle comptait le revoir. Elle s'était sentie bien auprès de lui, s'était mise à rire et surtout, elle voulait le revoir alors que ça faisait à peine quinze minutes qu'ils étaient en train de parler et plaisanter ensemble.

Ils passèrent un long moment à se promener dans le parc autour de l'académie. Aaron lui parla de sa vie aux Etats-Unis, du road trip qu'il avait fait avec des amis, de la peur constante de sa mère. Il avait de sacrées anecdotes en tout cas, et plus d'une fois la blonde éclata de rire. L'américain avait une manière bien à lui de raconter les choses, avec de grands gestes, des intonations de voix. Il imitait même de manière exagérée les postures des gens. C'était en tout cas un sacré personnage, drôle et amusant, tout ce qu'aimait la jeune femme. De temps en temps, il essayait de caler quelques mots de français dans son histoire, sûrement pour faire plaisir à Inès.

« On s'est retrouvé dans un motel, j'ai cru que j'allais revivre un mauvais remake de Shining. Ça ne m'aurait pas étonné qu'un demeuré avec une hachette se jette sur ma porte pendant que je me douche !
— Tu exagères un peu là, non ?
— Pas du tout ! Le motel était vieux comme la lune, le ménage n'avait pas dû être fait depuis un certain temps, je pense. Je suis persuadé qu'il y avait une odeur de cadavre pourri depuis des lustres d'ailleurs dans une des chambres voisines de la mienne. Mais bon, on n'a pas mené notre enquête donc je ne peux rien prouver. Et tu aurais vu celui qui tenait le buibui. Il avait un regard de tueur en série. Franchement, je ne me la ramenais pas trop à ce moment-là. »

Inès tirait son chapeau en tout cas au brun. Elle était assez froussarde, et partir en road trip était pour elle totalement impensable. Surtout que là, comme il lui avait expliqué, rien n'avait été préparé à l'avance. Ils étaient partis à l'aventure sur un coup de tête, et il avait prévenu sa mère le jour même. Tout comme comment il était arrivé à Full Horse. La blonde est très différente du jeune homme, elle s'était demandée longuement si elle était au niveau avant d'enfin s'inscrire définitivement, alors que Aaron avait juste envie de voyager, il aimait les chevaux et quand il avait vu une publicité pour l'académie nomade, il avait juste sauté sur l'occasion.

Ils parlèrent un long moment, chacun racontant à l'autre des anecdotes sur son enfance, adolescence ou sa vie avant de venir à Full Horse. Celle d'Aaron était largement plus remplie que celle d'Inès.  Elle se demandait maintenant si elle avait vraiment profitée toutes ses années, ou est-ce que le mythe du lycée américain était finalement bien réel ? Après, le brun avait aussi une ame d'aventurier et il avait voyagé pas mal de temps avant de venir ici, forcément, il avait bien plus vécu de choses que la jeune femme, et ça se ressentait.

Ils finirent leur promenade et retournèrent à l’entrée du pavillon principal de l’académie, celui avec toutes les pièces communes.

« Bon, j’ai du travail qui m’attends mais je suis ravi d’avoir passé du temps avec toi. On recommence demain ? »

Inès grimaça légèrement. Elle devait aller se faire tester demain et rester isolée pendant quelques temps avan de pouvoir prendre l’avion direction la France.

« Je ne pourrais pas demain.
— Alors, après demain ?
— En fait, je pars pour une semaine en France, voir ma famille.
— C’est pas grave, tu me dis dès que tu reviens !  »

Il ne lui laissa même pas le temps de lui répondre qu’il tourna les talons pour se rendre aux écuries. Inès souriait. C’était bon de s’ouvrir aux autres.

366 lignes box de Diego; Utilisation d’un résume x2 dans les PB de Noora. Merci pour la corretion.