Greg avait la tête en vrac. Il avait passé la nuit à picoler, seul, avait réussi à mettre la main sur de la fume et s'était enfumé totalement. Depuis une semaine, il était redevenu ce qu'il essayait d'éviter depuis sa sortie de prison. Comment il allait s'en sortir ? Même lui ne savait pas. De plus, il n'avait pas parlé à Noora depuis la fois où elle lui a dit qu'il pourrait tirer un trait sur sa liberté conditionnelle. Il ne savait toujours pas si elle déconnait ou non. Greg était dans la merde jusqu'au cou. Dans tous les cas, ce jour-là, il devait passer son examen de fin de première année, et s'il réussissait, il passerait enfin en seconde année. Il redoutait plus que tout de décevoir Anton, qui a été son tuteur dans son nouveau métier, son formateur, une figure paternelle pour lui.

Le canadien était d'ailleurs assis dans le bureau d'Anton, café à la main, essayant tant bien que mal de remettre toutes ses idées en place, pendant que le maréchal en chef de l'académie lui rappelait rapidement tout ce qu'il devait savoir. Est-ce qu'il se souviendrait de tout ? Sûrement pas, et ça le faisait totalement paniquer. Il termina alors son café d'une traite et se redressa sur sa chaise, la peur ayant pris le dessus sur toutes les substances qu'il avait pris durant la nuit. Il se sentait maintenant totalement réveillé, mais paralyser par autre chose.

« Je ne vais pas y arriver.
— Il n'y a pas de raison que tu rates cet examen. Si tu mets bien en pratique tout ce que je t'ai enseigné ces derniers mois, tu vas réussir haut la main.
— J'vais tout foirer, comme toujours. »

Greg prit sa tête entre ses mains, la panique s'insinuant toujours plus dans son organisme, lui nouant même la gorge. À cet instant-là, il avait même envie de rendre son petit déjeuner.

« Arrête un peu Greg ! Tu t'es bien débrouillé à chaque fois, ce n'est pas là que tu vas rater.
— Tu étais toujours avec moi.
— Non, pas toujours, et ça n'a pas changé que tu étais appliqué dans ton travail. Alors, tu vas te bouger le cul, te rincer le visage parce qu'on dirait que tu viens de sortir d'un cercueil et aller passer cet examen. Et surtout, tu vas le réussir !
— Je vais peut-être devoir repartir de l'académie... »

Et ça, ça le faisait chier plus qu'autre chose. Si Noora décidait vraiment de ne plus être sa tutrice, il devra repartir au Canada, et quitter tout ce qu'il a pu commencer à construire ici. Il releva son visage et posa son regard sur Anton qui avait les sourcils froncés.

« Comment ça ?
— Je... J'ai fait une connerie... Et Noora veut arrêter d'être ma garante. Je ne veux pas partir, Anton. »

Le maréchal se leva de son fauteuil et fit le tour de son bureau pour venir s'installer sur celui libre à côté de son élève. Il posa une main sur son épaule, dans un geste réconfortant. Jamais Greg aurait imaginé trouver un mentor comme lui, quelqu'un qui croit vraiment en ses capacités et qui lui donne autant que Anton. Et s'il devait repartir, ça lui briserait le cœur de laisser cet homme sans lui avoir montré ce qu'il avait vraiment dans le ventre. Soudain, toutes ses conneries, boire et fumer, ça lui semblait tellement con ! Le brun se demandait comment il avait pu croire que c'était ça la vie, alors que de rendre Anton fier, ça valait tout l'or du monde.

« Oublie ça pour le moment, on verra après ce qu'il se passera quand ça se passera. Je pourrai voir avec Pierre une solution pour que tu restes si tu y tiens vraiment. Mais tu vas devoir te donner à fond, et même plus qu'à fond, me prouver que tu as envie de rester, de devenir maréchal, et surtout arrêter de faire n'importe quoi. Tout ce que tu as fait, c'est le passé. Certes, ça restera à vie dans ton casier, mais là, on t'offres la chance de reprendre ta vie en main. Personne ne va le faire à ta place. Tu comprends ?
— Oui.
— Alors, tu vas réussir, passer en seconde année, et continuer d'apprendre avec moi. Bientôt, nous serons collègues, et je serai ravi de savoir que le jour où je partirai prendre ma retraite, tu seras là pour reprendre le flambeau. Et quand tu auras terminer ton examen, on ira boire une bière pour fêter ça, d'accord ? »

Greg aurait aimé le serrer dans ses bras, mais il n'était pas doué, alors il se contenta de hocher la tête, sourire, et se lever pour aller passer ce foutu examen. Il ne voulait pas décevoir Anton, il fallait qu'il réussisse.


Pour son examen, Greg devait parer et renouveler la ferrure de Kolblakkur, un connemara qui ne semblait pas apprécier plus que cela d'être attaché à cette anneau. Il commença par nettoyer les pieds de l'isabelle, essayant de ne pas perdre de temps. Pour la première fois, il n'y avait pas Anton à ses côté pour l'aider, pour le reprendre quand il faisait mal. Mais il fallait bien que le canadien prenne confiance en lui comme le lui a souvent répété le maréchal en chef. Une fois tout propre, il prit la pince pour enlever les fers déjà présents, les posant ensuite sur le côté. Quand il se mit à tailler les fourchettes, il eut un doute, levant rapidement la tête vers les examinateurs présents. Mais ils ne semblaient pas vouloir lui donner conseil.

Greg fit de son mieux, les lacunes étaient plutôt régulières, ça aurait pu être mieux, mais c'était la première fois qu'il le faisait seul. Il dégagea la ligne blanche. Il reprit la pince pour couper l'excédent de corne, presque un centimètre et une fois fait, Greg utilisa la râpe, en partant du talon vers le bas, pour essayer d'avoir un parage le plus plat possible. Le brun dût s'y reprendre à deux fois car il remarqua qu'il y avait une bosse. Ensuite, il s'occupa du devant du sabot. Avec sa râpe, il nettoya le plus possible, essayant de diminuer le trou des anciens clous pour ne pas laisser ses crevasses. Kolblakkur ne voulait plus attendre et reposa son pied alors que Greg était toujours en train de travailler dessus.

Une fois qu'il eut finit de parer les quatre pieds du connemara, qui montrait de plus en plus de signes d'impatience, il alla chercher des fers. N'ayant pas encore appris le ferrage à chaud, Greg préféra faire directement à froid. Il ne voulait pas brûler accidentellement Kolblakkur. Anton lui avait montré une légère astuce pour le ferrage à froid, c'était de le laisser tiède pour pouvoir plus facilement le retoucher que de l'avoir totalement froid et de devoir retourner le chauffer. Pour le premier sabot, Greg s'y reprit à quatre fois, ayant mal calculé la taille du sabot de ce grand poney. Il grimaça quand il vit que les examinateurs prirent des notes, espérant que ce ne soit pas une faute éliminatoire. Ce fut plus facile pour les suivants. Puis le brun était de moins en moins stressé, se rendant compte que c'était presque devenu un mécanisme de ferrer un cheval. Il regarda plusieurs fois si les fers étaient bien mis, les clous posés correctement et s'il n'y avait aucun risque d'accro avec eux.

Quand tout lui sembla parfait, il fit marcher légèrement l'hongre qui avait l'air ravi de pouvoir enfin bouger de son anneau. Greg regarda s'il n'y avait pas de signe de boitement, ou de déséquilibre à cause d'un fer mal posé, mais tout était bon. Il sourit, donna une friandise à Kolblakkur pour le récompenser, et le ramena dans sa stalle. Il revient ensuite dans le centre de soins, ramassant toutes ses affaires pendant que les examinateurs discutaient entre eux. Greg remarqua Anton au milieu d'eux, avec sa chienne assise sagement à ses côtés.

Le maréchal en chef finit par venir vers son apprenti, tout sourire, et lui donna une petite tape dans le dos.

« Allez viens, on va boire une bière. Tu t'es bien débrouillé.
— Tu m'as vu ?
— Je passais voir de temps en temps comment ça se passait. Je suis fier de toi. »

Et ça, ça valait plus que tout au monde.

162 lignes; Box de Kolblakkur

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